Publié Le 01/07/2022
Notre-Dame de Germigny-l'Exempt, visitée seulement trois fois par de vrais spécialistes en 70 ans – Gilberte Vezin dans les années 1950, Willibald Sauerländer dans les années 1960, Juan Antonio Olaneta Molina en 2014 – a donné lieu à toutes sortes de divagations de la part de « chercheurs » sans scrupules qui ont cru plus commode d'abuser de leur statut d’autorité académique pour en raconter n'importe quoi que de venir la visiter : on n'hésite pas ainsi à parler de « statues colonnes » qui avaient déjà disparu en 1830 ou « d'évangélistes » qui n'existent pas, à situer Germigny-l'Exempt dans la Nièvre, le Lot et Garonne, ou l'Allier, à faire de Notre-Dame de Germigny-l’Exempt une « cathédrale du nord de la France » (!) dans une thèse de doctorat de l’université de Bourgogne destinée à publication, à inventer des châteaux-forts totalement imaginaires (le « Château-Gaillard », le « Château du Luisant »!) Et l’on passe ici sur les francs faussaires aux mystifications publiquement démasquées, comme ce Louis Roubet, érudit local du XIXe siècle dont l’éminent archéologue Alain Ferdière a indiqué les impostures.
C’est qu’apparemment nul ne se sent tenu d’être sérieux vis-à-vis de ce village oublié du canton le plus sinistré du département du Cher. Qui pourrait croire, en effet, que Germigny-l’Exempt, aujourd’hui réduit aux dimensions d’un hameau moribond, fut une halte légendaire sur la voie romaine qui conduisait de la vallée du Rhône à la ville d’Avaricum ? Que Germigny-l’Exempt fut dès le Xe siècle la forteresse la plus puissante des seigneurs de Bourbon et un objet d’admiration pour Suger, l’abbé de Saint-Denis et le conseiller de Louis VI et Louis VII ? Que Germigny-l’Exempt est la place forte où, à la suite d’un siège truqué, les Bourbons sont entrés dans la famille capétienne ? Que Germigny-l’Exempt joua un rôle capital dans les enjeux géopolitiques entre provinces rivales, dans la conquête du domaine capétien qui devait devenir « la France », dans la guerre qui opposa les Plantagenêt aux Capétiens après la double trahison d’Aliénor d’Aquitaine, reine adultère et collaboratrice avec l’ennemi ? C’est d’ailleurs au cours de la guerre de Cent Ans que Germigny-l’Exempt, prise en otage par les grandes compagnies du célèbre Bertucat d’Albret, fut rachetée par Louis II de Bourbon au prix d’une rançon fabuleuse. Telle fut l’importance de Germigy-l’Exempt pendant tout le Moyen Âge.